Adrien

Voici donc le projet que je développe depuis quelques années dont le sujet est mon frère Adrien et sa pratique musicale. La plupart des images sont réalisées dans sa chambre. Vous pourrez y reconnaître certains éléments tout au long du projet Il n’y a pas meilleur endroit pour le représenter. Avec le temps cette pièce a changé de fonction, à l’origine nous y venions en vacances étant enfants, c’était notre chambre à tous les deux. Puis quand nous avons emménagé, il en a hérité et je suis allé m’installer sous le toit, en hauteur comme à mon habitude. Le fait d’y avoir passé moi même du temps, a créé un lien particulier, jamais je n’aurai imaginé y photographier mon frère pendant plusieurs années. Cette chambre s’est remplie peu à peu de mangas, de posters, d’instruments, de pédales d’effets. Ne pouvant pas s’enregistrer dans un véritable studio de musique, c’est le studio qui s’est installé chez nous et s’est créé dans ces quelques mètres carré avec les moyens du bord.

Photographier mon frère avec sa guitare, c’est pour moi une tentative de figer sa relation à la musique mais également nôtre relation à tous les deux. Cette relation fraternelle qui nous unit dans les hauts et les bas de la création. En le photographiant lui, je parle de nous, et de moi. Son processus de création et le mien sont étroitement liés, et réaliser ce projet me permet de croiser nos univers respectifs.

Adrien attrape souvent sa guitare machinalement pour gratter quelques accords de manière compulsive, tandis que de mon côté, j’attrape mon appareil photo et je libère à quelques reprises un flash qui vient figer ces instants si particuliers. Quand je l’entends jouer, je vais le voir, je prends une photo et je repars. Parfois, je reste sans appareil et nous discutons pendant quelques heures de ce qu’il a composé pour son prochain morceau et ainsi que de l’avancée de mes projets en photographie. Bien souvent ce sont des discussions nocturnes, quand le monde s’arrête, et qu’il n’y a plus un bruit.

Nous avons l’habitude de fonctionner de cette manière, d’aller chercher l’avis de l’autre afin d’avancer et progresser en essayant toujours d’être honnête sur ce qui peut être amélioré. Mon frère a l’habitude de la présence de l’appareil ce qui me permet d’obtenir des moments, et des photos que je ne pourrai pas capturer autrement. Pour obtenir des images, le plus important c’est d’être présent, le plus souvent possible auprès de son sujet. J’essaye de l’être auprès de mon frère.

Parfois je m’imagine réaliser l’exposition de ces photos dans sa chambre. Faire venir les gens chez nous, découvrir les images dans le lieu ou elles ont été capturé. Je trouve que ça a plus de sens que de les exposer dans une salle aux murs blancs immaculés.

Mon premier lieu d’exposition, restera toujours ma chambre, les oeuvres y vivent au mur de manière organique, j’accroche, je décroche. La première scène de mon frère quant à elle sera toujours la sienne, face à moi. L’avantage d’avoir si peu de public c’est qu’il n’y a pas de contraintes de temps, de dates à respecter, moins d’appréhension. L’inconvénient c’est qu’il y a moins de monde avec lequel partager ses émotions. Mais ça viendra avec le temps, j’en suis certain.

Je suis toujours le premier à écouter les maquettes de mon frère. Ça me touche de l’observer travailler, et d’être à ses côtés dans la conception de chaque nouvelle composition. Je me sens privilégié d’avoir grandi à ses côtés, et de voir grandir son oeuvre musicale de si près. Au fil du temps, j’ai assisté à la création d’un grand nombre de morceaux qui ne sortiront jamais que seuls, mon frère, ma mère et moi connaissons. Il m’arrive de fredonner les paroles de morceaux, dont je suis le seul à connaître l’existence.

La majorité de son temps, le musicien n’est pas sur scène face au public mais face à son logiciel, son carnet de notes, face à son instrument. On ne le voit jamais à l’œuvre dans la période de création. Dans ce projet, c’est cette facette de la vie de l’artiste que je voulais mettre en lumière. Celle que l’on ne voit jamais, sauf si on y est invité, les coulisses.

C’est difficile de représenter la musique en image, car elle n’est pas tangible, photographier un instrument, ce n’est pas photographier le son qui en sort. Et c’est d’autant plus un défi de vouloir le faire dans une chambre ou l’espace est réduit. Néanmoins, c’est l’un des meilleurs exercices que je me sois imposé pour progresser. S’en tenir à l’essentiel. Ce projet, c’est mon frère, sa chambre, et ses guitares. C’est tout. C’est déjà beaucoup.

Ce projet n’est qu’un point de départ je l’espère et sera poursuivi tant qu’il sera possible de le poursuivre. Un jour peut être, de la chambre j’irai photographier la scène et nous partirons en tournée pour alimenter ce projet. Peut-être en ferez vous partie ?

N’oubliez jamais que vous pouvez changer votre vie. Si vous souhaitez créer, faites le, croyez en vos projets. Tout commence souvent dans une pièce avec peu de moyens mais beaucoup d’envie.