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Je serai photographe !
Une conviction qui sort du ventre
Après avoir voulu être chef d’orchestre et puis chanteuse, un jour, pendant le cours de géographie,
Dolorès Marat
d’un coup, je me suis dit : « Je veux être photographe ». Là, encore, ça m’est venu du ventre ! Je ne
savais même pas ce que ça voulait dire… J’avais quatorze ans mais j’étais une toute petite fille dans ma
tête.
Dolorès Marat, née à Paris en 1944 est une photographe autodidacte et indépendante. Lorsqu’elle découvre la photographie, elle est convaincue d’une chose, c’est ça qui l’intéresse. Mais lui faudra attendre sa quarantaine pour se lancer dans ce travail personnel touchant que nous connaissons.
Aujourd’hui j’écris cet article pour vous faire découvrir cette artiste, et rétablir sa place dans l’histoire de la photographie. Le moins que je puisse faire pour elle, bien qu’elle ne me l’ait pas demandé c’est de partager son travail. J’espère que vous aurez envie d’en savoir plus et de découvrir son travail.
PS : Si quelqu’un de très important dans le monde de la photographie passe par ici, du style assis sur un trône ayant le pouvoir en claquant des doigts de lui donner un petit boost, faites le !
Prenez des pop corn, voici son histoire:
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Un beau jour, elle confie son ambition à sa mère :
“Quand je serai grande, je ferai des photos » sa mère lui répond alors : “Non ma fille, tu ne seras pas photographe, tu seras couturière.”
Et c’est ce qu’elle fera. À 15 ans, contrainte de quitter les bancs de l’école, la jeune Dolorès, obéissant à sa mère exerce alors le métier de culottière-giletière. Elle confectionne les gilets et les pantalons. Dix pantalons et deux gilets par semaine très exactement. Plutôt douée, car elle a été repérée par un tailleur parisien.
Elle raconte :
Ma mère était paysanne. Quand il n’y avait aucune culture, comme chez moi, pas d’argent, les filles étaient dans la couture et les garçons dans la mécanique.
Dolorès Marat
Mais un jour, son destin s’apprête à basculer à nouveau. Malgré son manque d’intérêt pour la photographie, sa mère se souvenant de ce que sa fille lui avait dit la prévient :
« Tu sais, Froissard (photographe qui avait une petite boutique où il vendait des appareils photo, et où il développait des travaux d’amateurs), il cherche une bonne à tout faire. »
Muriel Adrien, “Entretien avec Dolores Marat”, 2013,
Elle saute sur l’occasion et part à la rencontre de ce monsieur. Celui ci accepte et elle commence à travailler dans la foulée.
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Madame, je crois que votre fille est douée pour la photo
Il me disait qu’il avait l’impression que j’étais née avec un appareil photo entre les mains.
Dolorès Marat
Elle troque donc la machine à coudre pour le balai dans cette boutique de photographie.
Heureuse de se rapprocher de la photographie qui l’intrigue tant, elle se dépêche de nettoyer en vitesse la boutique le matin pour pouvoir apprendre à développer, tirer, et retoucher les images l’après-midi.
Chez ce photographe, elle apprend à faire des photos de mariage, d’identité, des portraits de bébé sur des coussins en velours, de communiantes en robe de mariée, à travailler en studio, à tirer les photos d’amateurs…
En peu de temps, motivée par son enthousiasme, elle fait décoller l’affaire ayant un don pour expliquer aux clients comment fonctionne un appareil photo. La photographie ne la quittera plus jamais.
Elle resta 3 ans dans cette boutique, avant de déménager à Paris suite à son mariage.
Mais à ce moment là Dolorès, était encore loin de développer le moindre projet personnel.
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Les débuts d’un travail personnel
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Après avoir travaillé pendant dix-sept ans en tant que laborantine pour un magazine de mode nommé « Votre Beauté », puis en tant que photographe de studio pour celui ci. Marat ressent le besoin d’aller plus loin dans sa pratique de la photographie.
En tout, elle aura passé vingt-sept années à travailler pour ce magazine entre 1968 et 1995. Des années heureuses qu’elle a passé dit-elle avec sa radio et sa petite lumière rouge à tirer des images seule dans son labo.
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Ses enfants ayant grandi, elle passe une année à réfléchir et explorer la direction qu’elle veut prendre pour ses photos.
Motivée à l’idée de « montrer aux gens ce qu’ils ne voyaient pas, et surtout, j’allais le leur montrer à ma façon. »
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Lors de cette période, elle met son argent de côté avec espoir de pouvoir s’acheter le mythique appareil photo Leica en cumulant pour atteindre cet objectif jusqu’à quatre emplois. (J’espère que vous avez saisi la blague)
ㅤFinalement, n’ayant toujours pas assez pour se le procurer à la fin de cette année, elle optera pour un Minolta sur lequel elle fixera un objectif 35mm Leica.
Il lui faudra attendre encore une dizaine d’années avant de pouvoir se procurer l’appareil de ses rêves.
Elle se dirige alors à l’aveugle dans ce nouveau monde, sans référence, en ne suivant que son instinct et sa sensibilité.
L’avantage et l’inconvénient étant qu’il n’y avait personne pour critiquer son travail, et lui dire ce qui n’allait pas. Elle a évolué ainsi sans montrer ses images pendant un temps sans critique négative, au gré de son regard.
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La photographie de Dolorès Marat : l’émotion comme maître mot
Déclencher quand surgit l’émotion
Dolorès Marat explique devoir prendre la photo, au moment même où l’émotion la traverse.
« C’est quelque chose qui vient du ventre, de la tête, du cœur » dit-elle
La plupart du temps une seule prise suffit, car le temps de réarmer et déclencher une seconde fois, l’émotion qui l’a saisie a bien souvent déjà disparu.
Ainsi, en une fraction de seconde, cette fenêtre de tir ou s’alignent émotion, couleur et lumière, disparaît à jamais.
D’un seul geste
« Je veux que ce soit parfait du premier coup.«
Adepte de la philosophie de l’instant décisif, attribuée à Henri Cartier Bresson. Ses images sont saisies sur le vif, sa réaction doit être aussi rapide que celle de l’emballement de son coeur.
« J’avais surtout le désir de saisir dans une seule image l’essentiel d’une scène qui surgissait »
Henri Cartier Bresson
Rares sont les fois ou elle déclenche une seconde fois. Sa photographie n’a aucune vocation à retranscrire avec perfection, c’est l’expérience d’un ressenti qu’elle essaye de capturer.
Je ne suis pas reporter, je ne veux rien démontrer, rien prouver. Juste trouver une émotion, qui me fait penser à moi quand j’étais petite. Quand je vois quelque chose, je me raconte des histoires. Des souvenirs plus ou moins fabriqués.
Dolorès Marat
La règle d’or étant que cette émotion soit la sienne, qu’elle vienne de l’intérieur, si quelqu’un la pousse à photographier, alors elle ne le fera pas. Une sorte d’instant décisif pour le regard et pour le cœur qu’il faut capter dans l’instantanéité.
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Une émotion toujours présente avec du recul
Comme nous venons de le voir, l’émotion est l’ingrédient nécessaire pour Marat lors de la prise de vue mais pas uniquement. Lorsqu’elle revient sur ses images, et qu’elle contemple ses diapos, cette émotion doit également être présente. Sinon, elle ne va pas plus loin avec sa photographie.
Je ne fais aucune retouche, aucun recadrage, aucun changement de couleur, je ne garde que les photos qui restituent l’émotion que j’ai eue. S’il n’y a pas cette émotion, je les jette.
Entretien avec Dolores Marat
Avignon, le 24 août 2013
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Elle dit devoir retrouver l’émotion qui la pousse à déclencher et je suis plutôt d’accord avec elle. Un.e photographe d’exception c’est celui ou celle qui réussit à se détacher de son travail, jeter ce qui n’est pas bon et parfois même laisser de côté une image importante.
Il faut être très exigeant envers soi-même lors de la sélection.
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Le style caractéristique de Marat :
Une photographe pas nette
Les flous sont l’enregistrement de mon geste vers la personne, c’est pour cela qu’il y a souvent des photos qui ne sont pas très nettes, je ne fais jamais de flou volontaire
Dolorès Marat
Le flou de bougé est la composante reconnaissable du travail de Dolorès Marat. Elle se hâte de photographier, répondant à son instinct, à ses tripes, ce mouvement qu’elle fait lorsqu’elle photographie se retrouve dans ses images.
Mouvement, que l’on pourrait qualifier d’élan sensible, qui la pousse à plonger vers la photographie et à l’intérieur de celle ci. Un geste qui sacrifie la netteté au profit de l’émotion.
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Une présence colorée
Pas de recadrage, de modifications, ses photos présentent une palette de couleurs assez large souvent liée à l’éclairage artificiel de la ville. Teintées de jaune, rose, vert, ou bleu , ses images ne sont ni nettes, ni floues, mais dans cet entre-deux bien particulier dont elle seule détient la recette, suspendues dans le temps et l’espace.
J’aime la couleur, c’est quelque chose qui me touche… On en revient au même point. Quand il y a la couleur, la lumière, et un sujet qui me touchent… là, envers et contre tout, j’essaie de faire la photo.
Dolorès Marat
Malgré ce qui semble être un choix personnel, elle dit ne pas travailler sur la couleur, mais simplement photographier ce qu’elle voit. La couleur l’attire ou est-ce peut être la couleur qui est attirée par l’objectif de Dolorès Marat.
Des rencontres imprévisibles
Elle explique dans une vidéo, que cette femme, est sortie de nulle part avec un rouleau de fil de fer, et sa longue robe, au beau milieu de la nuit sur l’île de Java en Indonésie. Ne parlant pas la même langue, elle n’a jamais pu obtenir de réponse à la raison de sa présence.
Le mystère de ces rencontres entre la photographe et son sujet renforce l’émerveillement. Mais lorsqu’elle nous en raconte le contexte, on ne peut s’empêcher de vouloir en savoir plus.
Chaque nouvelle image est le résultat du hasard et donne naissance à une anecdote.
Elle ne met en scène aucune situation, c’est la vie qui s’en charge. Son travail à elle, c’est d’être disponible et réceptive à ces accidents poétiques.
Les images de Dolorès Marat semblent coupées du temps. Sorties tout droit du film le plus imprévisible de tous : la réalité.
Elles n’existent que par elles même et pour elles mêmes. Comme des poèmes.
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Silhouettes solitaires
Ce qui m’intéresse, avant tout, c’est la solitude des gens dans les villes. Il y a un monde fou dans le métro ou ailleurs, et tout d’un coup, il y a une personne que j’arrive à isoler, dans sa bulle, et cela me touche énormément. C’est assez simple.
Entretien avec Dolores Marat
Avignon, le 24 août 2013
Notre regard s’accroche aux personnages de son univers. Souvent seuls, à l’écart de tous et de tout. Cette bulle qu’elle évoque, s’étend aux bords du cadre et ouvre une porte qui happe le spectateur et le renvoie à sa propre solitude.
D’une beauté fugace, ces instants choisis par le hasard ne cessent de nous transporter.
A l’image de cette girafe appuyée contre le mur, la tête et le corps lourds.
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Contempler ses photographies c’est comme nager dans un rêve, partager le sien le temps d’un instant. Il y a de l’onirisme qui s’en dégage.
Les sujets évoquent plus qu’il ne représentent. Le spectateur de ses images ressent et discerne.
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La photographie nuit et jour
J’ai souvent dit que j’étais 24h/24 en photo
Dolorès Marat
« Toute la journée, je réfléchis photo et la nuit, il m’arrive de faire des cauchemars de photo : je découvre un trou dans mon appareil, je vais à un rendez-vous et j’oublie les bobines, mon appareil se casse. Au début, j’étais tellement contente de faire des photos que je dormais avec mon appareil photo. J’ai fini par me dire que j’étais folle et que j’allais le casser comme ça. Donc maintenant je le mets sur ma table de chevet. »
Entretien avec Dolorès Marat 2014 – par Molly Ben
Bien qu’elle y pense jour et nuit, c’est surtout la nuit, que les sujets de ses images déambulent.
Pourquoi la majorité de ses photographies sont-elles prises de nuit, ou quand la luminosité est au plus bas ?
Dolorès Marat serait-t-elle un vampire ?
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Fuir le soleil ?
« Je me vois sortir dans le froid en pleine nuit. Sinon, il y a trop de monde. Ici dès qu’il fait beau, tout le monde est en short. Toutes ces tables dehors et tout cela, cela ne m’intéresse pas. »
Entretien avec Dolores Marat
Avignon, le 24 août 2013
Contaminée par la solitude et le calme des sujets la nuit, il n’y a pas d’explication si ce n’est que son coeur répond plus souvent à l’appel de ces lumières.
Néanmoins, un jour, face à la lumière Corse elle se pose elle même la question :
« Qu’est-ce que je suis capable de faire au soleil ? »
Résultat, même au soleil on retrouve cette même atmosphère Marat, indépendante de l’heure de la journée.
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Partir en voyage
J’ai vu la mer pour la première fois à 40 ans.
Dolorès Marat
Son passage à New York :
J’ai fait des allers-retours à New York pendant 7 ans. Dès que j’avais trois sous pour me payer l’avion, les bobines et de quoi payer ma nourriture.
Entretien avec Dolores Marat
Avignon, le 24 août 2013
Avant de débuter son travail personnel, elle n’avait jamais voyagé. Cela devient une nécessité pour elle, voir ce dont elle est capable en dehors de Paris.
En 1994, logée par deux amies, elle découvre cette ville que de nombreux photographes ont arpenté avant elle.
Dès le premier jour elle se met à marcher du matin au soir en quête de l’un de ces moments qu’elle réussit si bien à capturer à sa manière.
Il semblerait que le plus important ce soit ça : être dehors avec son appareil.
Sur ses photos, New York n’est pas vraiment reconnaissable, cette ville pourtant photographiée et rephotographiée devient sienne.
Après de multiples aller-retours en un peu moins de dix ans, Dolorès Marat constitue l’oeuvre qui figurera dans son livre New York USA
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Comment agence-t-elle ses photographies pour une exposition
Depuis un certain temps,
Interview Dolorès Marat 2014
je mélange tout mon travail !
Les correspondances entres les images se font par elles mêmes. Dolorès Marat aime, le fait que les spectateurs de ses photographies fassent eux mêmes les liens, et se questionnent sur leur signification.
Dans son livre sur New York, le fil conducteur est le lieu. Mais peu à peu elle a ressenti le besoin de s’écarter de cette démarche et s’autoriser la liberté de mettre côte à côte des images qui n’ont pas été prises au même endroit, ajouter une part de fantaisie dans l’accrochage.
« Les gens arrivent à la fois à voir
Interview Dolorès Marat 2014
l’ensemble et à rentrer dans chaque image puis, ils tissent des correspondances entre les pays, les
sujets, etc.«
On ne choisit pas dans quelles circonstances l’émotion nous saisit, c’est pour cela que Marat ne photographie pas volontairement sous forme de série.
Il fallu à Dolorès Marat l’expérience de plusieurs expositions et livres avant de se définir elle même comme photographe.
Elle passe d’un “Je ne dis pas être artiste, je fais des photos… » à un timide « oui, je suis photographe » bien qu’elle préfère encore aujourd’hui dire simplement qu’elle fait des images.
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Une expérience du tirage:
J’étais très douée pour les tirages en noir et blanc parce que j’adorais ça : je pouvais parfois rester une semaine sur un tirage – je n’en faisais pas qu’un seul bien sûr ! – mais à
Dolorès Marat
l’époque, on avait le temps
Enfermée toute la journée dans son laboratoire pour tirer en noir et blanc les images de ce journal de mode. Un univers ne correspondant pas du tout au sien dit-elle dans une interview.
De nature timide, ça ne lui déplaisait pas, elle était en contact avec la photographie, tranquille dans son coin.
Ces années ont forcément contribué à développé sa sensibilité pour le tirage et aiguisé son oeil de photographe.
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Sa collaboration avec l’atelier Fresson :
Après avoir photographié un certain temps, Marat conserve précieusement trois photos qu’elle décide enfin de faire tirer. Après des mois de recherches, elle trouve une boutique à Opéra qui travaille avec Fresson.
Elle raconte les avoir montré au vendeur qui après les avoir regardées, lui aurait dit : « Ah non, elles sont trop moches, Fresson n’acceptera jamais de tirer ça »
L’atelier Fresson, est une référence dans le monde de la photographie, ses tirages d’art sont connus et réputés mondialement grâce à une technique particulière : Le tirage photographique pigmentaire au charbon
Plus de dix ans auparavant, Marat rencontre un photographe nommé Merzagora dans son labo. Celui ci, lui présente la prochaine couverture du magazine pour lequel elle travaille.
Cet homme sort alors le tirage de son cartable, un tirage Fresson.
Subjuguée par la beauté du tirage, elle se dit qu’un jour, si elle a besoin de tirer une image, elle le fera chez ce monsieur Fresson. Et c’est ce qu’elle fit puisque depuis une trentaine d’années ses tirages sont issus de ce procédé grâce à cet atelier.
Là, j’ai reçu un coup de poing dans le cœur et je me suis dit : « Si un jour je fais des photos pour moi, je les tirerais comme ça »
Dolorès Marat
La fameuse technique du tirage au charbon reste encore aujourd’hui un savoir-faire familial, perpétué par l’arrière petit-fils de Théodore-Henri-Fresson, l’inventeur du procédé à la fin du XIXe siècle.
Le photographe Bernard Plossu en est également un fervent adepte depuis la fin des années 60.
Récemment, n’ayant plus les moyens de continuer à faire appel au tirage Fresson, et habitant trop loin de l’atelier, elle fait tirer ses images à Arles sur papier japon, grâce auquel elle retrouve cette texture qu’elle affectionne tant pour ses images.
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Être heureuse pour photographier ou photographier pour être heureuse ?
“J’ai besoin d’être heureuse quand je fais mes photos. De ne pas avoir un soucis sentimental, un soucis d’argent, un soucis avec mes enfants… Dans ces cas là, je ne vois plus rien. Pour voir, il faut que je sois heureuse.”
Dolorès Marat
Dolorès est un prénom espagnol qui se traduit par « Douleurs ». Dolorès Marat affirme avoir besoin d’être heureuse pour photographier, lorsqu’elle ne capte pas ces fragments de vie, elle ne l’est pas. La douleur pour elle se réveille quand la photographie s’éloigne de sa vie. Une sensation à laquelle la plupart des photographes je pense s’identifient.
L’état mental dans lequel se trouve l’artiste influence son oeuvre.
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L’influence de Dolorès Marat sur mon oeuvre :
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Dans son ouvrage « Influences : Un jeu photographique », Jean-Christophe Béchet retrace l’histoire de la photographie et nous fait découvrir ses figures majeures par le biais de ses influences.
Chaque double page nous présente un.e photographe, ainsi qu’une photographie de ses archives qui lui semble avoir été inspiré directement ou indirectement par ce même artiste.
Je trouve cet exercice intéressant et j’ai voulu l’incorporer à cet article. J’ai alors cherché l’une de mes photographies dont l’influence est Dolorès Marat. Nous produisons ce que nous consommons, c’est pour cette raison qu’il est important d’enrichir sa culture.
J’ai donc choisi une image personnelle qui résulte de cette influence dans mon corpus photographique.
Et maintenant voici l’une des images de Dolorès Marat :
Vous devez percevoir aussi une inspiration inconsciente.
Elle dit à propos de cette photo de l’arbre, amusée : “J’avais l’impression d’être suivie”
Comme si elle jouait à 1,2,3 soleil avec cet arbre, en pleine nuit. Elle se retourne, déclenche et fige pour toujours cet arbre qui marche.
Pour Dolorès Marat, la photographie c’est aussi une expérience. Chaque image la transporte encore et encore au moment où elle a déclenché et ressenti cette émotion. Photographier c’est capter une partie de l’expérience sensible.
Je trouve sa démarche en tant qu’artiste assez pure, la manière dont elle photographie et choisit ses sujets, je la comprend.
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Conclusion
Lentement mais sûrement
Certains photographes produisent beaucoup, d’autres non. Dolorès Marat se trouve dans cette seconde catégorie. Elle dit conserver chaque année trois ou quatre images qui lui plaisent vraiment et ce depuis une trentaine d’années. Ce qui commence à faire un petit paquet
Je dirai que son parcours illustre parfaitement cette fable que nous connaissons tous dont la morale est la suivante : “Rien ne sert de courir, mieux vaut partir à point.”
Après un départ tardif sur la grande scène de la photographie, elle commence aujourd’hui à être vraiment reconnue pour son travail. À sa manière, elle a imposée son style intemporel. Sa photographie est à l’image des plus grands, reconnaissable, vivante, puissante, troublante.
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La réaction de sa mère à l’émergence de son succès
Un jour Dolorès Marat, discute avec sa mère et lui annonce timidement « Tu sais, je suis un peu connue dans la photo. »
Ce à quoi elle répondit : « T’es passée à la télé ? »
Elle explique : « Quand je lui ai donné mes livres, elle m’a regardé, elle n’a rien compris, et elle m’a dit :
– Ça te sert à quoi ?
– À rien maman.
– Mais pourquoi tu le fais ?
– Parce que ça me fait plaisir !
– Tu gagnes des sous ?
– Non maman.
Sa mère n’a peut être jamais vraiment compris la passion de sa fille mais c’est elle qui lui a présenté ce monsieur il y a une soixantaine d’années, qui lui permettra d’y mettre un pied. Depuis ce jour, Dolorès Marat n’a jamais quitté la photographie pour notre plus grand bonheur.
Si vous passez par là, madame, je ne suis pas votre mère, mais je suis fier de votre parcours.
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Je vous conseille de vous procurer comme je l’ai fait son livre « Mezzo Voce » aux éditions Fario
Madame Marat, si vous passez par là je veux bien une dédicace !
Si je vous ai convaincu à découvrir son oeuvre plus en détail, vous pouvez également commencer par regarder les vidéos ci dessous !
Vous pouvez également lire les interviews suivantes :
https://journals.openedition.org/transatlantica/6760?lang=en
https://www.leica-camera.blog/wp-content/uploads/Interview-Dolores-Marat_VERSION-FINALE.pdf
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Merci d’avoir lu jusqu’au bout !
On se retrouve bientôt dans un prochain article 🙂
5 réponses sur « Dolorès Marat : Une photographie troublée et troublante »
Un portrait très intéressant d’une passionnée de la photo passionnante écrit par un passionné de la photo passionnant.
Merci beaucoup !
Super article qui donne envie d’en savoir plus. La vidéo qui suit le complète bien car il permet de mieux cerner la personnalité et le fonctionnement de D. Marat. Et j’aime beaucoup son approche ou plutôt sa sensibilité. Bravo pour l’article !
Merci ! Heureux que l’article te plaise 🙂
Super article, merci !